Ecrit par Michel Santo le 21 février 2017. Publié dans Accueil, Actualités, Chroniques narbonnaises, Culture, poésie Il est monté dans la voiture du train qui, samedi dernier, me menait à Montpellier, puis s’est assis dans le fauteuil qui me faisait face, sans le moindre petit mot, ni sourire, de courtoisie. Rien ! Transparent, je n’existais pas… Ou alors comme une chose » collée à son siège. Raide et froid, son sac à dos posé bien à plat sur ses genoux, pendant que sa main fouillait dans son bagage, j’observais son visage dur et tanné, aux formes parfaitement sculptées sous un large front dégarni. Ses yeux, sombres, semblaient fixer je ne sais quelle image enfouie sous son crâne. D’un bloc, sec et robuste, il me faisait l’effet d’habiter ce mince espace d’humanité en passager clandestin. Hermétiquement clos ! Puis vint ce geste de la main pour installer entre nous, comme une clôture, un livre de poèmes… de Pablo Neruda Vaguedivague » ! Pablo Neruda et sa poésie tournée vers le monde et l’amour ; et cet homme, le lisant, lèvres serrées, dans son orgueilleuse solitude. Et ce souvenir aussi, examinant ce visage, de scènes lues je ne sais plus quand, ni où, du grand poète chilien racontant ses lectures publiques dans des salles ferventes de beauté et d’espoir qui, lentement, remontait à ma mémoire pendant que mon voyageur, impassible, tournait mécaniquement des pages de lumières… Il est descendu en gare de Sète, sous un beau ciel bleu, sans le moindre petit mot, ni sourire, de courtoisie. Rien ! Pour quel autre voyage, et avec qui ?… Transparent, je n’existais toujours pas… Mots-clefs Pablo Neruda, Sète, Vaguedivague Rétrolien depuis votre site. Articles récents
PabloNeruda. Introduction . Je ne sais pas Ă quel moment de la crise ces mots vous parviendront. Les changements se font de manière si rapide et imprĂ©visible que l’écriture devient un exercice presque impossible. J’écris le jour de Pâques, en espĂ©rant qu’elle se poursuivra au-delĂ du calendrier liturgique. Je continue d’attendre la vie et j’espère pouvoirRĂ©sumĂ© Index Plan Texte Notes Citation Auteur RĂ©sumĂ©s Les trains, le père cheminot et le voyage en train sont des thèmes rĂ©currents dans l’œuvre de Pablo Neruda. Le discours nerudien, dans La Frontière 1904 et La maison, deux poèmes du Chant gĂ©nĂ©ral, ont le pouvoir d’aller au-delĂ de l’autobiographie. Le poète y chante la complexitĂ© du monde. Ainsi le thème du train est le motif oĂą s’entrelacent des expĂ©riences diverses et contradictoires. Ce qui donne une image du chemin de fer riche, complexe et hautement symbolique. Los trenes, el padre ferroviario y el viaje en tren son temas recurrentes en la obra de Pablo Neruda. El discurso nerudiano en “La Frontera 1904” y “La casa”, dos poemas del Canto general, tienen el poder de ir más allá de la autobiografĂa. El poeta canta aquĂ la complejidad del mundo. De este modo el tema del tren es el motivo donde se entrelazan experiencias diversas y contradictorias. Lo que da una imagen del ferrocarril rica, compleja y altamente de page EntrĂ©es d’index Index gĂ©ographique Chili Index chronologique XXeHaut de page Texte intĂ©gral 1 La Frontera La Frontière est le nom de la rĂ©gion de pionniers de la forĂŞt de Malleco et de CautĂn ... 2 Pour le thème des trains de pays lointains voir Transiberiano in Las uvas y el viento 1954 et O ... 1Le père cheminot, le voyage en train de La Frontera1 Ă Santiago du Chili, les viaducs, le matĂ©riel roulant, les chemins de fer de pays lointains2, le train hurlant », les locomotives sous la pluie, les trains de nuit et les convois traversant l’espace de La Frontera oĂą s’est dĂ©roulĂ©e l’enfance du poète sont des thèmes rĂ©currents dans l’œuvre de Pablo Neruda. 3 En el tren in Pablo Neruda, Cuadernos de Temuco 1919-1920, Barcelone, Seix Barral coll. “Biblioteca ... 4 Puentes et Maestranzas de noche in Pablo Neruda, Obras, cit., vol. I, p. 52 et p. 53. 5 Panorama del Sur, Viaje, AtracciĂłn de la ciudad in Pablo Neruda, El rĂo invisible. PoesĂa y prosa d ... 6 Provincia de infancia et Soledad de los pueblos in Anillos. Prosas in Pablo Neruda, Obras, cit., vo ... 2Le chemin de fer apparaĂ®t très tĂ´t dans sa poĂ©sie. Le thème est dĂ©jĂ prĂ©sent dans les premiers poèmes, Ă©crits alors qu’il avait entre quinze et seize ans. Ainsi, dans un sonnet de Cuadernos de Temuco 1919-19203, le poète adolescent Ă©voque les paysages vus depuis la fenĂŞtre du wagon et les voyageurs qui montent et descendent des voitures. Dans Crepusculario 1920-19234 deux poèmes, Puentes et Maestranzas de noche Ă©voquent les ouvrages d’art et les ateliers du chemin de fer. Le 19 octobre 1924 – Neruda a vingt ans – un texte en prose est publiĂ© dans le journal El Mercurio5 de Santiago du Chili. Il s’agit d’un texte structurĂ© en deux parties qui concernent deux moments consĂ©cutifs d’un mĂŞme voyage en train, probablement de Temuco Ă Santiago. La première partie, Viaje, dĂ©crit un voyage de nuit et Ă©voque l’étoile du matin qui paraĂ®t suivre le convoi jusqu’à l’aube quand commencent Ă se profiler les gares que le train traverse et que l’image du jeune voyageur se reflète dans la vitre. La deuxième partie, AtracciĂłn de la ciudad, est la suite de ce mĂŞme voyage pendant la matinĂ©e. Dans ce texte riant et plein de lumière, le printemps est Ă©voquĂ© par les pommiers en fleur et les cerfs-volants, puis le train arrive dans la grande ville. Enfin, avant la publication du Chant gĂ©nĂ©ral, en 1950, deux textes en prose seulement, de 1926, traitent du chemin de fer ils Ă©voquent une voie ferrĂ©e qui traverse une triste ville de province6. Les annĂ©es suivantes les voyages de Neruda en Orient, la guerre civile espagnole et les dĂ©placements du poète en AmĂ©rique latine dĂ©tournent l’intĂ©rĂŞt de l’artiste pour le thème du train. 3Le thème du train de l’enfance revient vingt-quatre ans plus tard dans le Chant gĂ©nĂ©ral, Ĺ“uvre majeure de la poĂ©sie nerudienne. Ce recueil, qui marque profondĂ©ment la poĂ©sie de langue espagnole de la deuxième moitiĂ© du XXe siècle, est un vaste chant de deux cent trente textes organisĂ©s en quinze sections. 7 Pablo Neruda, Canto general 1950 in Obras, cit., vol. I. Ă€ partir d’ici nous utiliserons, avec de ... 8 La Frontera 1904, ibidem, p. 693. 4La quinzième et dernière de ces sections, Je suis7, est composĂ©e de vingt-sept poèmes. Parmi eux les textes intitulĂ©s La Frontière 1904 et La maison traitent de l’image du train dans une triple relation d’abord en ce qui concerne l’enfance du poète, ensuite dans les rapports entre l’enfant et son père cheminot, enfin, en liaison avec l’espace gĂ©ographique du Sud chilien. Les poèmes La Frontière 19048 et La maison introduisent une organisation chronologique de l’ensemble. Le premier porte la date de 1904, annĂ©e de naissance de l’auteur. Ainsi dans Je suis Neruda aborde successivement les espaces de son enfance dans les territoires de La Frontera, ensuite sa trajectoire dans la capitale pendant les premières annĂ©es de sa jeunesse, enfin, ses voyages Ă travers le monde et ses expĂ©riences d’adulte. De de fait, les derniers textes de cette section concernent, entre autres, les testaments poĂ©tiques, ses dernières volontĂ©s et un colophon, Je m’arrĂŞte ici. Cette section possède en quelque sorte la structure d’une autobiographie lyrique et le train y est un Ă©lĂ©ment de la plus haute signification symbolique. Le train dans La Frontière 1904 5Dans cette perspective autobiographique La Frontière 1904 propose deux occurrences qui renvoient au train. Elles se trouvent dans la strophe initiale et dans la dernière vv. 28-33. Le chemin de fer y est perçu Ă travers les yeux de l’enfant qu’un Neruda quadragĂ©naire se remĂ©more. 6Dans la première strophe les images corrĂ©latives du père et du chemin de fer sont proposĂ©es dans l’enjambement des vers 8 et 9, Ă la fin de deux Ă©numĂ©rations. La première d’entre elles constitue une phrase poĂ©tique qui se dĂ©ploie dans les quatre vers qui ouvrent le texte. 9 Ce que je vis d’abord ce furent / des arbres, des ravins / dĂ©corĂ©s de fleurs belles et sauvages / ... Lo primero que vi fueron árboles, barrancasdecoradas con flores de salvaje hermosura,hĂşmedo territorio, bosques que se incendiabany el invierno detrás del mundo, 7Cette Ă©numĂ©ration – arbres », ravins », fleurs », territoire humide », forĂŞts » et hiver » – renvoie Ă l’univers naturel de La Frontera du dĂ©but du siècle. C’est un paysage vierge et limpide oĂą le travail de l’homme n’a pas encore laissĂ© de traces. Tous ces Ă©lĂ©ments appartiennent Ă l’ordre du naturel. 8Par contre, la deuxième Ă©numĂ©ration vv. 5-7 est chaotique souliers mouillĂ©s », troncs brisĂ©s », lianes », scarabĂ©es », journĂ©es douces », avoine » 10 J’eus pour enfance des souliers mouillĂ©s, des / troncs brisĂ©s / tombĂ©s dans la forĂŞt, dĂ©vorĂ©s par ... Mi infancia son zapatos mojados, troncos rotos caĂdos en la selva, devorados por lianasy escarabajos, dulces dĂas sobre la avena […]10 9L’extrĂŞme confusion des expĂ©riences enfantines est suggĂ©rĂ©e ici par la rĂ©union arbitraire d’élĂ©ments appartenant Ă des ordres sĂ©mantiques très Ă©loignĂ©s les uns des autres. Ainsi des catĂ©gories aussi diverses que le vĂŞtements, le vĂ©gĂ©tal, le zoologique, le temps, l’émotion et la production agricole sont contiguĂ«s. Une telle Ă©numĂ©ration ne s’arrĂŞte pas lĂ . Elle continue après une virgule, suivie immĂ©diatement par une conjonction et » insĂ©rant les derniers objets de la sĂ©rie. Ainsi 11 la barbe dorĂ©e de mon père partant / pour la majestĂ© des chemins de fer ». Y la barba dorada de mi padre saliendoHacia la majestad de los ferrocarriles11 introduit des Ă©lĂ©ments d’un tout autre ordre dans cet inventaire. Ces deux vers ajoutent simultanĂ©ment, par mĂ©tonymie, l’univers familial du moi poĂ©tique qui appartient Ă l’ordre du conceptuel et le transport par voie ferrĂ©e qui appartient Ă l’ordre du construit industriellement 10Ces deux Ă©numĂ©rations s’organisent Ă partir de deux catĂ©gories de temps qui suggèrent parallèlement l’évolution de l’enfant vers la maturitĂ© et l’évolution de l’humanitĂ© qui progresse de l’état naturel vers une modernitĂ© majestueuse. Ainsi on y trouve d’abord l’expĂ©rience intime de l’enfant qui mĂ»rit en dĂ©couvrant la terre intacte, encore inhabitĂ©e, oĂą la nature prolifère et s’autodĂ©truit librement. La deuxième Ă©numĂ©ration propose un espace oĂą la nature se mĂŞle Ă l’action et aux produits de l’homme. Le chemin de fer fait partie de cette dernière catĂ©gorie. Il reprĂ©sente le point culminant de ce processus d’humanisation du paysage. 11D’ailleurs, ces inventaires lyriques s’organisent aussi selon deux ordres de valeurs pour le Moi poĂ©tique. Le premier est nĂ©gatif. Il concerne le territoire humide », la forĂŞt en feu », l’hiver en crue derrière le monde », les souliers mouillĂ©s », les troncs brisĂ©s / tombĂ©s dans la forĂŞt dĂ©vorĂ©s par les lianes et les scarabĂ©es». Le deuxième ordre est positif. Il se compose de ravins dĂ©corĂ©s de fleurs belles et sauvages », de journĂ©es douces sur l’avoine », de la barbe dorĂ©e » du père. Le niveau supĂ©rieur de la positivitĂ© est donc la majestĂ© des chemins de fer ». 12Dans les vers 8 et 9 l’usage de la mĂ©tonymie la barbe pour dĂ©signer le père permet de conserver le rapport logique entre l’attribut extĂ©rieur de la figure paternelle et son travail de conducteur de train. MĂ©tonymie qui, par un rapport de contiguĂŻtĂ©, suggère en mĂŞme temps sa fonction au sein de la famille comme de l’univers ferroviaire. Ainsi, le poète Ă©voque l’enfant qu’il fut et pour lequel existait une relation indissoluble entre la majestĂ© » du chemin de fer et la blondeur de la barbe paternelle. Du reste, dans ce catalogue dĂ©sordonnĂ©, la proximitĂ© entre l’avoine » et la barbe dorĂ©e » du père Ă©tablit un trait d’union entre le bonheur de ces journĂ©es douces » et la fiertĂ© que l’enfant ressent devant le mĂ©tier paternel. 13La deuxième rĂ©fĂ©rence au chemin de fer apparaĂ®t dans la dernière strophe de ce poème. Dans l’intervalle, les strophes deux, trois, et quatre qui la prĂ©cèdent Ă©voquent un monde rural plĂ©thorique. Dans ce monde se succèdent les saisons – la pluie australe » de l’hiver, le soleil rapide » parce que bref de l’étĂ© et les chaumes, denses fumĂ©es » de l’automne – qui laissent dans le souvenir du poète les sonoritĂ©s, les images et les saveurs puissantes de la nature et des fruits travaillĂ©s par l’homme. La rĂ©fĂ©rence au chemin de fer se cristallise grâce au souvenir nostalgique des voyages en train Ă travers cet espace de l’enfance qu’est La Frontera 12 Mon enfance parcourut les saisons avec autour de moi, / les rails, les châteaux de bois frais / ... Mi infancia recorriĂł las estaciones entrelos rieles, los castillos de madera reciente,la casa sin ciudad, apenas protegidapor reses y manzanos de perfume indeciblefui yo, delgado niño cuya pálida formase impregnaba de bosques vacĂos y 13 Ici notre traduction diverge de celle que C. Couffon propose pour estaciones » dans sa version du ... 14Le premier segment du vers 28, Mon enfance parcourut les gares…» paraĂ®t reprendre le rapports de proximitĂ© que l’image paternelle Ă©tablit entre l’enfant et le mĂ©tier de conducteur de trains. Mais en espagnol le mot estaciĂłn » est un terme polysĂ©mique. Ainsi le dictionnaire de la Real Academia Española propose dix-huit entrĂ©es exposant les diffĂ©rents emplois du vocable. Et parmi eux gare de chemin de fer » ou chacune des quatre saisons de l’annĂ©e » ; mais on peut aussi le comprendre dans les sens de lieu oĂą l’on s’arrĂŞte lors d’un parcours »13. La polysĂ©mie Ă©vidente du mot estaciĂłn » vient ici enrichir les sens que le poète suggère. Et ceci parce que estaciones » peut suggĂ©rer Ă©galement les Ă©tapes du temps qui passe. Ainsi un tel mot peut Ă©voquer les diffĂ©rentes Ă©tapes d’un parcours existentiel. Dans la première strophe on voit le père partir vers la majestĂ© des chemins de fer », dans la dernière c’est l’enfant qui parcourt les gares et regarde le monde depuis le train en marche. Cette signification du mot estaciĂłn » comme temps qui passe », peut Ă©galement suggĂ©rer les saisons de l’annĂ©e, thème dĂ©veloppĂ© par le poète dans les strophes deux, trois et quatre. 14 Ă€ propos des thèmes concernant les ponts et chaussĂ©es ouvrages d’art et le matĂ©riel roulant voir ... 15NĂ©anmoins le contexte dans lequel Neruda place le mot estaciĂłn » et le contenu des vers qui suivent imposent le sens de gare de chemin de fer ». Les deux points prĂ©sents dans ce vers 28, suivis de la prĂ©position entre », amplifient le sens textuel le Moi lyrique se place au milieu des Ă©lĂ©ments qui constituent l’univers ferroviaire14. De la sorte, aux gares » s’ajoutent les entrepĂ´ts » et les rails » pour suggĂ©rer l’ensemble des bâtiments et des installations. Les mots entrepĂ´ts » et rails » impliquent donc le transport et la circulation des passagers et des produits par voie ferrĂ©e. De ce fait le bois frais » Ă©voque le parfum des planches qui viennent d’être arrachĂ©es Ă la forĂŞt et s’empilent en ordre strict dans les châteaux » des gares ferroviaires avant d’être expĂ©diĂ©es par trains de marchandises vers les dĂ©pĂ´ts des grandes villes du Nord du pays. 15 Le thème du voyage en train et la terre des origines revient quelques annĂ©es plus tard dans Escrito ... 16Les images de La Frontera que le poète adulte a gardĂ©es dans sa mĂ©moire se dĂ©ploient ensuite comme si l’enfant Ă©voquĂ© par Neruda regardait depuis la fenĂŞtre d’un wagon le paysage du Sud chilien. Ainsi l’image de la maison sans ville » fait rĂ©fĂ©rence au territoire national, Ă peine peuplĂ© du dĂ©but du siècle. La prĂ©position nĂ©gative sans », pour sa part, dĂ©note la carence et suggère une demeure solitaire au milieu des champs. La fragilitĂ© de la maison est accentuĂ©e ici par Ă peine protĂ©gĂ©e », oĂą la locution adverbiale Ă peine » dĂ©note la maigre dĂ©fense que peut constituer la prĂ©sence de troupeaux et de pommiers» face Ă l’isolement et Ă la violence des agressions du vent et de la pluie. Le paysage de La Frontera qui se construit Ă travers les images des gares et de la campagne15 s’imprègne Ă©galement de sensations qui s’ajoutent Ă celles Ă©voquĂ©es par les strophes prĂ©cĂ©dentes. Ainsi les pommiers au parfum ineffable » Ă©tablissent un lien avec l’odeur du bois frais », le monde poussiĂ©reux [des] hangars », les caves entassant le rouge rĂ©sumĂ© / du noisetier », la robe torride de l’étĂ© », etc. 16 Voir Ă propos de ce poème l'Ă©tude de Javier Garcia Mendez, La impregnaciĂłn consonántica y acentual ... 17De la sorte, dans cette perspective autobiographique l’enfant Ă la forme pâlotte », imprĂ©gnĂ© par l’univers de La Frontera, voit le point culminant de son parcours dans ce mouvement qui va de la nature pleine de la première image du poème aux forĂŞts vides » et aux entrepĂ´ts » du dernier vers. Le train devient ainsi Ă©lĂ©ment de la mĂ©taphore complexe d’un voyage Ă la fois personnel et collectif16. Les cheminots dans La maison17 17 La casa in Pablo Neruda, Obras, cit., p. 695. 18L’image idĂ©ale de l’enfance offerte par le poème liminaire de cette section de Chant GĂ©nĂ©ral contraste avec l’évocation de La casa, la demeure oĂą Neruda vĂ©cut ses premières annĂ©es dans La Frontera. C’est ici que le rapport entre le poète et l’univers du chemin de fer se fait plus net. Dans ce texte Neruda prĂ©sente l’univers ferroviaire sous un jour complètement diffĂ©rent. La pĂ©riode et la rĂ©gion poĂ©tisĂ©es sont les mĂŞmes que celles du texte prĂ©cĂ©dent. Mais les expĂ©riences travaillĂ©es ici appartiennent Ă une autre zone de souvenirs que le poète garde en lui. Cette Ă©vocation est peuplĂ©e d’élĂ©ments naturels et humains dĂ©chaĂ®nĂ©s les vents, le froid, les coups de feu, les galopades des chevaux, d’ombres la nuit, la terre dans les tĂ©nèbres, de menaces la colère, l’abandon, les irruptions Ă©trangères au foyer, d’angoisses et de pauvretĂ©. 18 Ma maison et ses murs de planches fraĂ®ches / dont je sens encore le parfum branlante et biscorn ... Mi casa, las paredes cuya madera frescareciĂ©n cortada huele aĂşn destartaladacasa de la frontera […]18 19La maison Ă©voquĂ©e ici se transforme par le biais d’une mĂ©taphore complexe. Elle produit un transfert de sens entre la chaumière en bois et l’oiseau. La maison branlante et biscornue » est un logement fragile qui craquait Ă chaque pas, et oĂą sifflait le vent de guerre ». Cette habitation risque d’être emportĂ©e par le vent et devient l’ oiseau inconnu / aux plumes glacĂ©es sous lesquelles grandissait mon chant ». Ainsi, d’une part, la mĂ©taphore propose la fragilitĂ© du logis face Ă l’agression des Ă©lĂ©ments et, d’autre part, elle suggère le lieu oĂą l’enfant est nĂ© Ă la poĂ©sie. Plus loin, le foyer de l’enfant est l’objet de sombres comparaisons, imprĂ©gnĂ©es d’impressions nĂ©gatives. Le monde de l’enfance est assimilĂ© au monde vĂ©gĂ©tal dans une vaste comparaison oĂą la croissance des plantes et de leurs racines rejoignent l’évolution humaine, celle de l’enfant et sa famille, et s’y entrelacent. 20Quant Ă l’image du père cheminot, le plaisir lumineux des journĂ©es douces sur l’avoine » du premier poème laisse place Ă l’angoisse des nuits / colĂ©reuses et sans air, des chiens qui aboyaient ». Cette image suggère la peur de l’enfant rĂ©veillĂ© au milieu de la nuit et dĂ©concertĂ© par la voix de son père se disputant avec sa femme la mamadre » au sein de la noirceur nocturne. Dans l’étouffante obscuritĂ© sans air », la terreur enfantine suscitĂ©e par les voix hargneuses des parents est multipliĂ©e par les hurlements des chiens enragĂ©s autour de la maison. Neruda renforce l’effet hyperbolique de son image lorsqu’il dĂ©tache typographiquement le passage et souligne par ce moyen la rĂ©fĂ©rence Ă cette atmosphère angoissante. En isolant et en dĂ©plaçant le mot enrarecidas », il accentue et intensifie l’effet sonore de la menace, soulignĂ©e par les allitĂ©ration en r » 19 des nuits / colĂ©reuses et sans air, des chiens qui aboyaient ». en[R]a[R]ecidasnoches de cĂłle[R]a, pe[RR]os que lad[R]aban19 21C’est dans cet espace sombre et menaçant que l’image du monde ferroviaire rĂ©apparaĂ®t, expressĂ©ment Ă©noncĂ©e, une image toujours liĂ©e Ă la figure paternelle. Mais, cette fois-ci, elle se construit Ă l’opposĂ©e du père sacrĂ© qui partait vers la majestĂ© des chemins de fer » du poème liminaire. Ici, dans les vers 17-18, le poème revĂŞt la forme d’une longue et complexe interrogation qui traduit bien l’apprĂ©hension de l’enfant assistant impuissant au dĂ©part de son père vers un univers ferroviaire mal connu. 20 Avec l’aube, mon père, sur la terre entĂ©nĂ©brĂ©e, / se faufilait dans ses trains qui hurlaient. / V ... Mi padre con el alba oscurade la tierra, hacia quĂ© perdidos archipiĂ©lagosen sus trenes que aullaban se deslizĂł ?20 22Bien que l’image du père conducteur de locomotive apparaisse ici liĂ©e Ă l’aurore libĂ©ratrice des peurs nocturnes, ce qui pourrait ĂŞtre une consolation, il n’en est rien. Il s’agit bien sĂ»r ici d’une aube », mais elle s’ouvre sur une terre entĂ©nĂ©brĂ©e ». L’oxymore alba oscura » permet au poète de prolonger la noirceur de la nuit sur la naissance du jour et de l’étendre sur la terre entière. De ce fait, c’est aussi l’angoisse de l’enfant qui s’étend, obscurcissant le jour qui arrive. 23D’autre part, comme faisant Ă©cho aux chiens qui aboient dans la nuit, le train du père qui s’éloigne hurle » comme une bĂŞte en perdition dans ces matins sombres. Ce train-lĂ part vers un monde fragmentĂ© qui adopte la forme des archipels » perdus dans un vaste territoire. L’image traduit l’idĂ©e d’un rĂ©seau de chemin de fer perçu comme un ensemble de lignes qui desservent des bourgades isolĂ©es incrustĂ©es comme des Ă®les dans les Ă©normes espaces encore vierges de La Frontera. 24Puis les vers 19-22 introduisent une rupture dans la perspective du temps et du ton que le poète impose depuis le dĂ©but du texte 21 Plus tard j’ai aimĂ© l’odeur du charbon dans la fumĂ©e, / les huiles, les essieux, leur prĂ©cision g ... Más tarde amĂ© el olor del carbĂłn en el humo,los aceites, los ejes de precisiĂłn helada,y el grave tren cruzando el invierno extendidosobre la tierra, como oruga 25Interrompant donc avec ce Plus tard …» l’évocation de l’enfance tragique, le poète introduit un passĂ© plus rĂ©cent, celui de l’âge adulte oĂą il perçoit autrement le train et ses significations. Ici l’homme mĂ»r travaille ses souvenirs et nuance la perception première de l’univers ferroviaire valorisant certaines expĂ©riences plus fraĂ®ches. Ainsi, en opposition Ă ce monde de tĂ©nèbres de l’enfance, il affirme avoir aimĂ© l’odeur du charbon dans la fumĂ©e, / les huiles, les essieux, leurs prĂ©cision glacĂ©e ». Ici la progression Ă travers les Ă©lĂ©ments donne une rĂ©alitĂ© matĂ©rielle au train. On passe du plus subtil au plus solide. Ainsi l’on va de la matière gazeuse et des fines particules de charbon qu’elle contient Ă la matière liquide, grasse et onctueuse des huiles pour arriver ensuite aux parties mĂ©talliques de la machine. 26Dans ces vers l’accumulation de synecdoques proposĂ©e par les diffĂ©rents Ă©lĂ©ments mĂ©caniques du chemin de fer suggère un train au sens gĂ©nĂ©ral du terme. Mais ce train quelconque laisse la place après une conjonction et » Ă un train singulier. C’est le train grave » de La Frontera, convoi humanisĂ© qui traverse l’hiver allongĂ© sur la terre ». Les touches humanisantes – le caractère grave » de ce train, la prĂ©cision glacĂ©e » des Ă©lĂ©ments de la machine et l’hiver allongĂ© » – maintiennent nĂ©anmoins le ton tragique des premiers vers de ce poème. Mais la reprĂ©sentation ne s’arrĂŞte pas lĂ , car Ă la grave humanitĂ© de l’ensemble s’ajoute la condition zoomorphique de l’ orgueilleuse chenille ». La gracieuse mĂ©taphore offre une double vision de la locomotive et de ses voitures humaines et animales Ă la fois, elles avancent et ondulent dans l’espace. L’image plaisante du poème liminaire rĂ©apparaĂ®t donc, Ă©voquant les journĂ©es douces » de l’enfance liĂ©es ici Ă cette reprĂ©sentation charmante, et Ă©tablissant un lien avec la majestĂ© de chemins de fer » du premier poème. 27Mais cette insertion dans le corps du texte d’un Ă©lĂ©ment correspondant Ă une digression affable et tendre laisse Ă nouveau place aux souvenirs angoissants de l’enfance du Moi poĂ©tique. La violence de l’arrivĂ©e d’un père envahissant le foyer est renforcĂ©e par les allitĂ©ration en R et la position, Ă©loignĂ©e de la marge, du vers 24 22 Soudain les portes ont trĂ©pidĂ©. / Voici mon père ». De p[R]onto t[R]epida[R]on las pue[R]tas». Es mi pad[R] 28Ce dernier vers, Voici mon père », constitue Ă lui seul une phrase poĂ©tique. Ce procĂ©dĂ© stylistique souligne typographiquement la prĂ©sence nĂ©gative du père cheminot comme Ă©lĂ©ment central du poème. 23 En 1963 Neruda reprend ce thème dans El padre. Ce texte s'ouvre sur une image nocturne dans laquell ... 29Ainsi l’univers du train fait irruption dans la maison Ă travers la figure paternelle23. Mais il n’arrive pas seul. Il vient entourĂ© de ses centurions », mĂ©taphore qui renvoie aux cheminots et renforce l’impression suscitĂ©e par ce père sorti de l’univers du chemin de fer. Image guerrière, elle fait Ă©cho au vent de guerre » des premiers vers. Les cheminots- centurions » sont revĂŞtus des attributs de la lĂ©gion qui conduit les trains. Les emblèmes qu’ils portent sont leurs vĂŞtements mouillĂ©s mantas mojadas ». Enfin l’eau, symbole du monde extĂ©rieur qui pĂ©nètre brusquement dans la maison, se prĂ©sente sous ses diffĂ©rents Ă©tats et, Ă l’état de vapeur, occupe une position centrale. Cette vapeur signifie la force motrice de la modernitĂ© au dĂ©but du siècle, et celle du chemin de fer dans ce cas particulier. 24 Dans ses mĂ©moires Neruda revient sur le rapport entre le train et les conditions de vie misĂ©rables ... 30Ce sont les cheminots qui vont revĂŞtir la maison d’un nouveau caractère. Ils confèrent une condition diffĂ©rente au foyer de l’enfant poète. Car la salle Ă manger se remplit d’hommes qui boivent et rapportent des rĂ©cits prononcĂ©s d’une voix enrouĂ©e. C’est lĂ que le Moi poĂ©tique entend parler pour la première fois de la douleur due Ă la misère des salariĂ©s du rail. Jusqu’alors l’enfant Ă©tait sĂ©parĂ© comme d’une barrière » de ce monde de misère24. C’est dans cette maison envahie par ces hommes dignes et durs dans leur pauvretĂ© que le jeune enfant apprend Ă connaĂ®tre les chagrins, les blessures et les souffrances du monde ouvrier pris dans la griffe minĂ©rale de la pauvretĂ© ». 31Cette expression mĂ©taphorique, la griffe minĂ©rale », qui associe deux termes appartenant Ă deux champs sĂ©mantiques diffĂ©rents qui s’excluent mutuellement, suggère le dĂ©nuement des travailleurs de l’univers ferroviaire. Ainsi, la force et la forme pointue et crochue de la griffe » Ă laquelle est accolĂ© l’adjectif minĂ©rale » matĂ©rialisent la duretĂ© de l’emprise. L’effet est saisissant car il fait naĂ®tre une impression de destin immuable. Il suggère l’extrĂŞme difficultĂ© et la violence des relations humaines dans cet espace en gestation qu’est La Frontera Ă cette Ă©poque. Ainsi le poème conduit le lecteur d’un univers intime oĂą cette symbolique du train acquiert des significations tragiques Ă un monde plus vaste, celui d’une condition sociale dramatiquement liĂ©e au chemin de fer. 32Les thèmes abordĂ©s et le temps Ă©voquĂ© font de La Frontière 1904 et de La maison des textes autobiographiques. Cependant Neruda dĂ©passe la simple circonstance personnelle. Nous nous trouvons ici aux antipodes d’une description Ă©gotiste. Le discours nerudien a le pouvoir d’aller au-delĂ , car il chante la complexitĂ© du monde. Ainsi le thème du train fait partie de cette dĂ©marche. Le train, pour Neruda, est le motif oĂą s’entrelacent des expĂ©riences diverses et contradictoires. L’image du chemin de fer qui en rĂ©sulte est riche, complexe, hautement symbolique. Haut de page Notes 1 La Frontera La Frontière est le nom de la rĂ©gion de pionniers de la forĂŞt de Malleco et de CautĂn qui autrefois sĂ©parait le territoire des Indiens mapuches et les terres occupĂ©es progressivement par les colons chiliens. 2 Pour le thème des trains de pays lointains voir Transiberiano in Las uvas y el viento 1954 et Oda a un tren en China in Navegaciones y regresos 1959 in Pablo Neruda, Obras, Buenos Aires, Losada, cinquième Ă©dition, 1993, vol. I., pp. 798-801 et vol. II, p. 799. 3 En el tren in Pablo Neruda, Cuadernos de Temuco 1919-1920, Barcelone, Seix Barral coll. “Biblioteca breve”, 1997, p. 85. 4 Puentes et Maestranzas de noche in Pablo Neruda, Obras, cit., vol. I, p. 52 et p. 53. 5 Panorama del Sur, Viaje, AtracciĂłn de la ciudad in Pablo Neruda, El rĂo invisible. PoesĂa y prosa de juventud, Barcelone, Seix Barral, coll. “Biblioteca breve” / “PoesĂa” n° 457, 1980, p. 192. 6 Provincia de infancia et Soledad de los pueblos in Anillos. Prosas in Pablo Neruda, Obras, cit., vol. I, p. 141 et 143. 7 Pablo Neruda, Canto general 1950 in Obras, cit., vol. I. Ă€ partir d’ici nous utiliserons, avec des modifications, la traduction française de Claude Couffon Chant gĂ©nĂ©ral, Paris, Gallimard, 1977. 8 La Frontera 1904, ibidem, p. 693. 9 Ce que je vis d’abord ce furent / des arbres, des ravins / dĂ©corĂ©s de fleurs belles et sauvages / un territoire humide, des forĂŞts en feu / et l’hiver en crue derrière le monde ». 10 J’eus pour enfance des souliers mouillĂ©s, des / troncs brisĂ©s / tombĂ©s dans la forĂŞt, dĂ©vorĂ©s par les lianes / et les scarabĂ©es, j’eus des journĂ©es douces sur / l’avoine […] ». 11 la barbe dorĂ©e de mon père partant / pour la majestĂ© des chemins de fer ». 12 Mon enfance parcourut les saisons avec autour de moi, / les rails, les châteaux de bois frais / et la maison sans ville, Ă peine protĂ©gĂ©e / par des troupeaux et des pommiers au parfum ineffable / je vĂ©cus, mince enfant Ă la forme pâlotte, / En m’imprĂ©gnant de forĂŞts vides et d’entrepĂ´ts ». 13 Ici notre traduction diverge de celle que C. Couffon propose pour estaciones » dans sa version du Chant gĂ©nĂ©ral, Paris, Gallimard, 1977, p 483. Couffon traduit estaciones » comme saisons ». Mais on peut dans la traduction française choisir le sens de gare » ou de saison ». 14 Ă€ propos des thèmes concernant les ponts et chaussĂ©es ouvrages d’art et le matĂ©riel roulant voir Puentes et Maestranzas de noche in Crepusculario 1920-1923, et Oda a la vieja estaciĂłn Mapocho en Santiago de Chile in Tercer libro de las odas 1957 et Sueños de trenes in Estravagario 1958 in Pablo Neruda, Obras, cit., vol. I, pp. 52-53 et vol. II, pp. 455 et 664. 15 Le thème du voyage en train et la terre des origines revient quelques annĂ©es plus tard dans Escrito en el tren cerca de CautĂn, en 1958 et Oda a los trenes del Sur in Navegaciones y regresos 1959 in Pablo Neruda, Obras, cit., vol. II, pp. 796 et 726. 16 Voir Ă propos de ce poème l'Ă©tude de Javier Garcia Mendez, La impregnaciĂłn consonántica y acentual La Frontera’ in Diez calas en el hacer de la poesĂa de Pablo Neruda. Residencia en la tierra y Canto general, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. “Mondes Hispanophones”, n° 26, 2001, pp. 182-194. 17 La casa in Pablo Neruda, Obras, cit., p. 695. 18 Ma maison et ses murs de planches fraĂ®ches / dont je sens encore le parfum branlante et biscornue / Maison de la frontière […] ». 19 des nuits / colĂ©reuses et sans air, des chiens qui aboyaient ». 20 Avec l’aube, mon père, sur la terre entĂ©nĂ©brĂ©e, / se faufilait dans ses trains qui hurlaient. / Vers quels archipels oubliĂ©s ? ». 21 Plus tard j’ai aimĂ© l’odeur du charbon dans la fumĂ©e, / les huiles, les essieux, leur prĂ©cision glacĂ©e, / et le train grave traversant, orgueilleuse chenille, / l’hiver allongĂ© sur la terre ». 22 Soudain les portes ont trĂ©pidĂ©. / Voici mon père ». 23 En 1963 Neruda reprend ce thème dans El padre. Ce texte s'ouvre sur une image nocturne dans laquelle l'irruption paternelle dans la maison de l'enfance recèle une menace, la fureur contenue du chef de famille. La dimension Ă©pique de la figure paternelle est insufflĂ©e dans le texte par les Ă©lĂ©ments qui l'entourent lors de son arrivĂ©e Ă la maison familiale. L'apparition nocturne du père est annoncĂ©e par les sifflets de la locomotive, et la pluie et le vent qui ajoutent Ă l'efficacitĂ© symbolique du texte. Cf. Memorial de Isla Negra in Pablo Neruda, Obras, cit., vol. II, p. 1025. voir aussi MĂ©morial de l’Ile Noire suivi de Encore, Paris, Gallimard, 1970, traduction de C. Couffon. 24 Dans ses mĂ©moires Neruda revient sur le rapport entre le train et les conditions de vie misĂ©rables du jeune poète. Cf. Las casas de pensiĂłn in Pablo Neruda, Confieso que he vivido. Memorias, Barcelone, Editorial Seix Barral, coll. “Biblioteca breve3 n° 365, 1974, pp. de page Pour citer cet article RĂ©fĂ©rence papier Pablo Berchenko, L’univers ferroviaire dans Canto general de Pablo Neruda », Cahiers d’études romanes, 10 2004, 273-284. RĂ©fĂ©rence Ă©lectronique Pablo Berchenko, L’univers ferroviaire dans Canto general de Pablo Neruda », Cahiers d’études romanes [En ligne], 10 2004, mis en ligne le 15 janvier 2013, consultĂ© le 27 aoĂ»t 2022. URL ; DOI de page Auteur Pablo BerchenkoAix Marseille UniversitĂ©, CAER Centre Aixois d’Études Romanes, EA 854, 13090, du mĂŞme auteur Paru dans Cahiers d’études romanes, 41 2020 Paru dans Cahiers d’études romanes, 30 2015 De PĂ©rez Rosales Ă Blest Gana Paru dans Cahiers d’études romanes, 6 2001 Paru dans Cahiers d’études romanes, 17 2007 Paru dans Cahiers d’études romanes, 4 2000 Paru dans Cahiers d’études romanes, 3 1999 Tous les textes... Haut de page
Ilfaut rappeler que la vie et la poésie de Neruda sont marquées par une rupture importante, La pensée poétique de Pablo Neruda). En bref, le temps à la fois amorphe et destructeur des premières Résidences devient le temps positivement orienté de l’histoire marxiste, à ceci près que Neruda préfère à la linéarité ou à la table rase de la révolution un temps cyclique et
La Review de Cannes Neruda de Pablo Larrain Synopsis 1948, la Guerre Froide s’est propagée jusqu’au Chili. Au Congrès, le sénateur Pablo Neruda critique ouvertement le gouvernement. Le président Videla demande alors sa destitution et confie au redoutable inspecteur Óscar Peluchonneau le soin de procéder à l’arrestation du poète. Neruda et son épouse, la peintre Delia del Carril, échouent à quitter le pays et sont alors dans l’obligation de se cacher. Il joue avec l’inspecteur, laisse volontairement des indices pour rendre cette traque encore plus dangereuse et plus intime. Dans ce jeu du chat et de la souris, Neruda voit l’occasion de se réinventer et de devenir à la fois un symbole pour la liberté et une légende littéraire. Extrêmement déroutant ce nouveau long métrage de Pablo Larrain No, El Club. En faisant le portrait de Pablo Neruda, célèbre poète communiste sud-américain, Pablo Larrain évite le classicisme et prend le parti-pris audacieux de représenter le célèbre poète communiste sous le prisme de l’imaginaire chilien. Raconté comme un immense poème onirique, Neruda surprend par ses intentions visuelles aux allures de grand film d’époque dopé à l’éclatement de la narration. Pas sûr que tous apprécieront l’étonnante singularité du film. Par son apport poétique, Pablo Neruda est une gloire reconnue mondialement puisqu’il a obtenu le Prix Nobel de Littérature en 1971. Le récit du sixième long métrage de Pablo Larain démarre donc en 1947 autour de cette figure symbolique qui fût sénateur communiste dans son pays natal. Opposé au gouvernement populiste en place et désormais considéré comme un traître, il n’a pas d’autre choix que de fuir. Ainsi, de ses cachettes à sa traversée de la Cordillère des Anges, Neruda passe d’aventures en mésaventures, poursuivi par un enquêteur imperturbable. Plus que la réalité des faits, c’est l’impact dans l’imaginaire populaire chilien qui intéresse le cinéaste. Il est un intellectuel, un combattant, un charmeur de ces dames, un poète, un diplomate que Larrain tente de faire réfléchir sur son introspection, le tout avec la volonté de le descendre de son piédestal un homme comme un autre, avide de luxure et d’égocentricité tout en le maintenant à la hauteur du symbole qu’il représente. Avec quelques films sombres à son actif Tony Mareno revenant sur le putsch du Général Pinochet ou El Club sur les prêtres pédophiles, Pablo Larrain déborde de folie dans ce film lyrique original qui se démarque par la forme en miroir de son récit. Dès lors que Pablo Larrain s’enflamme sur la relation fantasmée entre Neruda et son poursuivant, le film devient un anti-biopic déconcertant qui sublimera les cinéphiles avertis et surprendra les spectateurs moins réguliers. A cet instant, Neruda devient une icône, un objet de fascination autant pour le peuple que pour son poursuivant qui devient le héros d’une histoire annexe. Ce dernier commente en voix-off cette étrange chasse à la souris dans lequel il serait le chat déterminé à attraper sa proie. Dans ce monde où la véracité des faits laisse place à l’imagination fantasque, le policier devient une sorte de personnage de fiction qui parcourt la vie de Neruda. Il est celui qui le rend plus iconique encore. Il y a quelque chose de fondamentalement hollywoodien dans ce film, que ce soit par la représentation fantasmée à l’excès de la vie de Neruda, l’utilisation régulière et étalée dans le film d’un thème musical principal et son parti-pris visuel qui dévoile volontairement les ficelles des effets spéciaux de l’époque, comme pour bien montrer que Neruda n’est pas à prendre au pied de la lettre. Pablo Larrain se laisse emporter par le souffle épique de cette existence rocambolesque. Si l’interprétation des acteurs est tout ce qu’il y a de plus convenable, on est malgré tout très loin de la magnificence de l’existence et le combat de Neruda. Par sa ressemblance troublante avec le poète, Luis Gnecco incarne ce rôle complexe avec simplicité et efficacité, mais loin de la grandeur d’un chilien reconnu internationalement. A ses côtés, Gael Garcia Bernal incarne son poursuivant avec un air froid et impassible et des yeux constamment plissés, sans qu’il ne quitte cette attitude de tout le film. Dès lors que Pablo Larrain s’autorise tout ce qu’il veut par la liberté fantasmée de cette icône, le film a tendance à irriter dans certains de ses parti-pris notamment lorsque des personnages discutent d’un seul et même sujet mais découpé au montage dans divers endroits, comme pour montrer qu’il est question de Neruda, partout et tout le temps. Sauf que le procédé répété à force anéanti l’audace initiale. Reste donc ce road-movie irrévérencieux qui déstabilisera les esprits les plus cartésiens tandis que ceux qui accepteront l’idée de s’ouvrir à une nouvelle forme de narration seront charmés. Pour bien saisir toute la singularité du film, il faut se tourner vers Pablo Larrain qui ne pouvait pas trouver plus métaphorique que dire C’est plus un film à la Neruda qu’un film sur Neruda ».Voir aussi — Neruda Un film de Pablo Larrain Avec Gael Garcia Bernal, Alfredo Castro, Luis Gnecco… Distributeur Wild Bunch Durée 108 minutes Genre Drame, Biopic Date de sortie indéterminée Chili, Espagne, Argentine, France – 2016 Neruda Bande-annonce Lavie de Pablo Neruda est riche en événements extérieurs. Neftali Ricardo Reyes est né Basutto - c'est le vrai nom du poète - dans la ville de Parral, dans la partie centrale du Chili. Cet événement a eu lieu le 12 juillet 1904. L'origine du poète. Son père était un chef de train -trains accompagnés chargés de gravats. Mère est morte de la consommation un mois aprèsPablo Neruda - Il meurt lentement Il meurt lentement celui qui ne voyage pas, celui qui ne lit pas, celui qui n'écoute pas de musique, celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux. Il meurt lentement celui qui détruit son amour-propre, celui qui ne se laisse jamais aider. Il meurt lentement celui qui devient esclave de l'habitude refaisant tous les jours les mêmes chemins, celui qui ne change jamais de repère, Ne se risque jamais à changer la couleur de ses vêtements Ou qui ne parle jamais à un inconnu Il meurt lentement celui qui évite la passion et son tourbillon d'émotions celles qui redonnent la lumière dans les yeux et réparent les coeurs blessés Il meurt lentement celui qui ne change pas de cap lorsqu'il est malheureux au travail ou en amour, celui qui ne prend pas de risques pour réaliser ses rêves, celui qui, pas une seule fois dans sa vie, n'a fui les conseils sensés. Vis maintenant! Risque-toi aujourd'hui! Agis tout de suite! Ne te laisse pas mourir lentement! Ne te prive pas d'être heureux!