Le triolisme nuit-il gravement à la santé du couple ? C’est la question que pose “Threesome”, série suédoise diffusée sur Canal+ en ce mois de juillet. Au terme d’une soirée arrosée, Siri et David, jeune couple suédois installé à Londres, expérimente un plan à trois avec Camille, une Française sexuellement aventureuse rencontrée plus tôt dans un bar. La nuit semble tenir ses promesses, mais ce coup d’un soir improvisé va peu à peu enrayer leur relation, et soulever des questionnements profonds sur la notion de couple, la place de l’amour quand la sexualité vacille, et les désirs enfouis qu’on réfrène ou bien embrasse dangereusement. Si David semble du moins en apparence considérer cette nuit d’amour à trois comme une simple expérience, et l’exploration d’une nouvelle facette de sa sexualité, Siri ne la digère pas, et y voit les indices d’un délitement qui couvait secrètement. Hantée par la vision de David couchant avec une autre femme, prise d’une angoisse qui subitement la tétanise, elle se rapproche de John, un danseur londonien contacté sur Instagram un soir d’égarement. Sans bien savoir ce qu’elle cherche – une manière de conjurer le traumatisme de cette nuit qui la tenaille, l’occasion d’éprouver son amour pour David ? – Siri va vivre en secret une aventure passionnée avec John, renouer avec une sexualité flétrie par l’habitude, et laisser libre cours aux désirs de chair et d’esprit qui sommeillaient en elle. Fragments du discours amoureux Mais que pèse une passion dévorante sur la balance des sentiments ? L’amour survit-il à la découverte de nouveaux horizons sexuels ? La souffrance qu’on endure autorise-t-elle celle qu’on inflige ? Ces questions, qui au milieu de la vingtaine prennent un caractère nécessairement existentiel, la créatrice Lisa Linnertorp les soupèse avec délicatesse, et en décortique prudemment les soubassements dans une série qui fait de l’intime son sujet d’étude autant que sa force motrice. Threesome n’invente rien loin de là, mais participe à la réhabilitation d’une mouvance minimaliste des séries qui avait quelque peu disparu des radars, et déserté les entrailles algorithmiques des grandes plateformes de streaming. Déjà revivifiée par la géniale Normal People, et plus récemment par le remake bergmanien d’Hagai Levi Scenes from a marriage, la série de couple, qui ausculte le sentiment amoureux, sonde la sexualité et autopsie la fin de l’amour, trouve avec Threesome une nouvelle ambassadrice. 8 épisodes de 30 minutes Rivée à une mise en scène minimaliste, faite d’une succession de plans serrés pour saisir les variations sentimentales les plus infimes de ses acteurtrices toustes impeccables et de scènes de sexe superbement filmées à l’instar de Normal People la série radiographie en 8 épisodes de 30 minutes les sentiments contradictoires de jeunes citadins au milieu de leur vingtaine ; ce carrefour de l’existence à la périphérie de l’adolescence et de la vie d’adulte, où l’on s’aime imprudemment pour la vie avant de se quitter pour toujours. Dans un style proche du mumblecore, cette mouvance fauchée du cinéma indépendant américain apparue au tournant des années 2000, Lisa Linnertorp suit l’itinéraire amoureux semé d’embûches de Siri au fil d’une série volontairement anti-dramatique, aux situations franchement communes, mais qui a ceci de fascinant qu’elle ressemble à la vie. D’une certaine manière, Threesome aurait pu s’appeler Normal People. Threesome de Lisa Linnertorp – Sur Canal+